YVES CONSTANTINIDIS CONSULTANT

« Pas besoin de cahier des charges ! »

J’entends de plus en plus souvent dire « Nous ne faisons plus de cahiers des charges ».

Élaborer un cahier des charges est un exercice difficile et qui consomme du temps. Alors quand on peut s’en passer, on s’en passe bien volontiers.

Avant de vous laisser prendre cette importante non-décision, un bref rappel me semble utile. Un cahier des charges, c’est quoi ? Ca sert à qui ? Pour faire quoi ?

C’est quoi ? Ça sert à qui ? Pour faire quoi ?

Rappelons ce qui va sans dire, mais qui va mieux en le disant :

  • un cahier des charges est un document contenant des exigences,
  • il est transmis d’un client à un fournisseur,
  • il a un caractère contractuel.,
  • son élaboration est un travail collectif nécessitant la participation de nombreux acteurs,
  • le processus de cette élaboration est aussi important que le document qui en résulte.

Ce document tient sur

  • parfois une ou deux pages bien faites,
  • parfois cent pages bien tassées,
  • parfois plus.

Son élaboration permet

  • de tenir compte du point de vue de chaque partie prenante,
  • de se faire une idée claire de ce que l’on va demander,
  • d’aller vers un consensus.

Une fois élaboré il sera utile, selon les circonstances :

  • au choix d’une application
  • à la conception, à la réalisation, au paramétrage d’une application
  • ou d’un système informatique, matériel, logiciel, documentation, formation …
  • à sa mise en œuvre opérationnelle, sa maintenance, son exploitation,
  • à l’élaboration des tests d’acceptation.

Alors, quelles sont les raisons de s’en passer ?

« Nous développons en agile »

Voici un argument très à la mode : « Nous développons selon une démarche agile. Pas de cahier des charges. »

Il est vrai qu’en approche agile, le cahier des charges n’est pas un passage obligé. Mais ce n’est pas non plus un passage interdit !

Car l’agilité a des limites. Même sans « documentation exhaustive », et presque aucune « négociation contractuelle » (Cf. manifeste agile), une phase préliminaire exploratoire est nécessaire. Elle sera concrétisée par un document de quelques pages, clair, concis, non-ambigu, qui sera bien utile par la suite. Certains l’appellent vision and scope document, mais on peut l’appeler cahier des charges préliminaire.

Par ailleurs, quand on veut être agile, il faut s’en donner les moyens et aussi se prémunir de ses effets secondaires indésirables, comme le prouvent certaines affaires.

Ici le client a reproché au fournisseur de ne pas respecter ses engagements, et d’avoir manqué à son devoir de conseil en ne conseillant pas à son client de faire un cahier des charges. Le tribunal déboute le client et donne raison au fournisseur.

Dans cette affaire, le client aurait dû élaborer un cahier des charges bref, où il décrit le concept, et où il formalise en particulier le triangle d’or.

« Nous passons par une centrale d’achat »

Autre argument, souvent invoqué par des organismes publics : « nous passons par une centrale d’achat, nous ne faisons plus de cahier des charges ».

C’est un peu comme si je vous disais « J’achète mon vélo en grande surface, je n’ai pas besoin de spécifier les caractéristiques de la machine ».

Mais bien sûr que vous avez besoin de spécifier ! Vous n’allez pas spécifier avec le même niveau de détail que pour un vélo sur-mesure, mais vous allez spécifier quand même. Et vous avez tout intérêt, avant de pousser la porte du magasin, à vous asseoir un moment et réfléchir à ce que vous allez faire de votre vélo, de la course ou de la randonnée, tous les jours ou seulement le dimanche, si vous allez transportez vos deux enfants ou seulement aller jusqu’à la boulangerie du coin.

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Il va sans dire qu’un logiciel de gestion, c’est autrement plus complexe et moins standardisé qu’un vélo, et que les parties prenantes sont plus nombreuses que celles du vélo. Autant de bonnes raisons pour s’asseoir, réfléchir, analyser, spécifier les exigences et les faire valider.

Si vous passez par une centrale d’achat, vous ne ferez pas un cahier des charges de trois cent pages. Mais vous avez intérêt à exprimer les besoins de votre organisation de manière claire, correcte, complète, concise et cohérente, ne serait-ce que pour valider que toutes les parties prenantes sont d’accord entre elles et partager une vision du futur système. Le résultat de cet exercice est un cahier des charges.

« Ça coûte et ça prend du temps »

Maintenant, vous êtes peut-être convaincus qu’un cahier des charges sert à quelque chose. Mais si vous n’êtes pas obligés de le faire, ni pour des raisons méthodologiques (Vive l’agilité !), ni pour des raisons juridiques (Fini les appels d’offres !), alors il faut être sérieusement motivé. Il faut être convaincu que cela rapporte beaucoup plus que cela coûte, à la fois en temps, en effort et en budget.

Alors dans mon prochain article, je vous montrerai combien cela coûte et combien cela rapporte. Chiffres à l’appui.

 (𝑨 𝒔𝒖𝒊𝒗𝒓𝒆 …)

© Yves Constantinidis Consultant, 2022

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