YVES CONSTANTINIDIS CONSULTANT

La méthode du Petit Prince

Le Petit Prince, conte pour enfants destiné aux adultes, est en réalité un livre de philosophie pratique. En d’autres termes, c’est un ouvrage de méthodologie, et chacun peut adapter ses métaphores à son domaine d’expertise.

Ainsi, on pourrait écrire toute la démarche d’expression des besoins, toute l’ingénierie des exigences, à la lumière de l’ouvrage d’Antoine de Saint-Exupéry.

Dans cet article, je vous offre une première clé de lecture … et je vous laisse réagir.

S’il vous plaît, dessine-moi un mouton !

Je suis admiratif de l’élégance avec laquelle l’auteur nous laisse comprendre que son interlocuteur est soit un enfant, soit un étranger, en mélangeant tutoiement et vouvoiement dans la même phrase. Le Petit Prince est un enfant, et aussi un étranger, puisqu’il vient d’une autre planète. De ce fait, il arrive sur Terre avec un regard neuf.

Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt au seul et unique mouton qui correspond aux besoins du Petit Prince. Car les trois premiers moutons ne conviennent pas. L’un est trop vieux, l’autre est malade, et le troisième n’est pas un mouton, c’est un bélier, il a des cornes.

Par tâtonnements, l’aviateur perdu dans le désert « à mille milles de toute région habitée » découvre la méthode pour fournir au Petit Prince ce dont il a véritablement besoin, à savoir, non pas un mouton-solution, ni même un mouton-projet, mais un mouton-concept.

Je griffonnai une caisse avec trois trous d’aération et lançai : « Ça, c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans ».

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Maintenant, me direz-vous, quel rapport avec l’expression des besoins et le cahier des charges ?

Alors voilà, c’est simple, je vous l’explique par analogie. Votre future application, c’est le mouton. L’objectif du Petit Prince étant de se débarrasser des mauvaises herbes, il aurait très bien pu demander une tondeuse ou un taille-haie. Mais ça c’est la solution. Et il est beaucoup trop tôt pour évoquer la solution.

Le dessin d’un mouton, avec sa tête et ses quatre pattes, c’est la spécification détaillée de la solution. Mais le Petit Prince a raison, il est encore beaucoup trop tôt pour élaborer une spec détaillée.

Le client sait ce qu’il veut, mais il ne sait pas l’exprimer. Pour l’aider à exprimer le besoin, il faut d’abord faire émerger le concept. Et le concept, dans un premier temps, n’est que dans la tête du client, qui ne sait pas l’exprimer … et on tourne en rond.

Pour sortir de ce cycle infernal, il y a une astuce. C’est la « méthode de la caisse avec trois trous d’aération » : inciter notre interlocuteur à imaginer le besoin sans effleurer la solution.

La méthode de la caisse

Saint-Exupéry a trouvé l’astuce de « la caisse avec trois trous d’aération ». Et les ingénieurs des besoins ont inventé une astuce, trop souvent sous-exploitée et mal utilisée : le diagramme de contexte.

Je ne vais pas vous expliquer ce qu’est un diagramme de contexte, ni les mille façons de l’accommoder dans un projet informatique, je vais juste vous dire ce que je fais quand j’anime un groupe de travail.

Lors de chaque étude préliminaire avec un client, je dessine un rond sur le tableau blanc (l’équivalent UML de la caisse avec ses trois trous d’aération), j’y inscris le nom de la future application, et je dis au groupe « Voici votre futur système. Il est dans la boîte. Mais avant d’ouvrir la boîte, nous allons examiner comment le système communique avec son environnement ».

Vous allez peut-être me dire que je suis en train de vous raconter un conte pour enfants. Peut-être. Le fait est que ça marche à tous les coups … pourvu que ce coup de théâtre arrive au bon moment, avec les bons interlocuteurs, dans les bonnes conditions.

Mais ça, c’est une autre histoire …

(𝓐 𝓼𝓾𝓲𝓿𝓻𝓮 …)

© Yves Constantinidis Consultant, 2022

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