YVES CONSTANTINIDIS CONSULTANT

Le triangle du concept

Avant d’exprimer les besoins et (éventuellement) d’élaborer un cahier des charges, trois éléments fondamentaux sont à découvrir : l’objectif, le périmètre et les parties prenantes. c’est ce que j’appelle le triangle du concept. C’est le « triangle d’or » de l’ingénierie des besoins.

L’objectif est le but que le système à l’étude doit atteindre. L’atteinte de cet objectif doit être mesurable, ou du moins vérifiable, et engendrer des bénéfices.

Le périmètre désigne est défini par la frontière entre le système à l’étude et le monde qui lui est extérieur. On peut distinguer le périmètre fonctionnel, ensemble des grandes fonctions ou groupes de fonctions constituant le futur système, et le périmètre organisationnel ou géographique.

Les parties prenantes, également appelées acteurs, sont toutes les personnes ou organisations impactées (positivement ou négativement) par l’introduction du système à l’étude ou susceptibles d’influencer son choix, son développement ou son déploiement.

Ces trois entités forment le « triangle d’or » du système. Tant qu’elles n’ont pas été spécifiées pour le système à l’étude, inutile d’aller plus loin.

Tenter d’exprimer les besoins et d’élaborer un cahier des charges alors que concept n’est pas spécifié et validé, c’est construire sur du sable. Un objectif flou, un périmètre mouvant, une méconnaissance des parties prenantes donnent lieu à une expression des besoins floue et à un cahier des charges instable et impossible à valider.

La phase de concept est celle qui consiste à recueillir, analyser, spécifier et valider ces trois éléments du triangle. Nous appellerons le document de sortie de cette phase document de concept.

Soyons clairs : ce n’est pas la phase de concept qui doit être formalisée, c’est LE concept, que ce soit dans une note d’intention, un schéma directeur ou une directive ministérielle. La phase de concept est rarement formalisée comme une phase en tant que telle. Lorsqu’elle l’est, elle peut s’appeler analyse préliminaire, étude préliminaire, étude amont, cadrage, vision, ou faire partie schéma directeur du système d’information.

Il n’y a pas de méthode unique pour déterminer le concept. On procède par approximations successives, guidé par l’intuition et l’expérience. En effet, l’interdépendance des trois éléments du « triangle d’or » fait qu’il n’existe pas une démarche définie, avec une succession séquentielle d’étapes. Qui va spécifier, qui va valider l’objectif ? Ce sont des parties prenantes. Quelles parties prenantes doit-on interviewer pour connaître l’objectif ? Cela dépend du périmètre et des objectifs du futur système … et ainsi de suite.

L’objectif

Ce que l’on appelle « l’objectif du système » est un ensemble d’objectifs opérationnels. Ce sont les exigences de plus haut niveau. Bien entendu, après avoir été définis et formulés, ils devront être vérifiés, et validés au plus haut niveau hiérarchique.

On peut formaliser chaque objectif sous la forme :

  • Finalité : la formulation du but à atteindre,
  • Bénéfice : le bénéfice apporté par l’atteinte de l’objectif,
  • Mesure : les indicateurs qui permettront de savoir que le but a été atteint.

Les parties prenantes (acteurs)

On appelle partie prenante (anglais, stakeholder) toute personne, ou organisation qui a un intérêt (positif ou négatif) dans le projet.

Parmi les acteurs d’un projet, le plus important est celui qu’il est convenu d’appeler « le client ». Cette dénomination est trompeuse, car le client n’est pas une personne unique, ni même une entité organisationnelle unique.

Formulé simplement, le client est celui qui est susceptible de retirer un bénéfice de l’utilisation du produit. De la même façon, le « fournisseur » du produit est celui qui conçoit, développe ou commercialise, et qui tire un bénéfice de la réalisation du produit.

Trop souvent, on se contente d’analyser les profils des futurs utilisateurs. C’est indispensable, mais il ne faut pas en oublier pour autant les autres parties prenantes.

Les motivations des différents acteurs sont extrêmement diverses et souvent antinomiques. L’exercice consiste ici à exprimer dans un langage compréhensible par tous et de donner à chacun les informations dont il a besoin. Par exemple, l’équipe de test a besoin de connaître le plus tôt possible le calendrier des livraisons et le contenu de chaque version du produit, de manière à préparer les tests le plus tôt possible (les tests pouvant nécessiter de réserver des matériels rares et chers, par exemple, ou de mobiliser de nombreuses personnes). Pour les mêmes raisons, les équipes de test ont besoin d’être informées des changements sur les exigences.

Le périmètre

Le périmètre, ce sont les limites du produit. Ce qui en fait partie et ce qui n’en fait pas partie. Les interconnexions entre le système à l’étude et le monde extérieur : personnes, logiciel ou matériel.

Une manière de modéliser le périmètre et de faire partager cette vision à toutes les parties prenantes est le diagramme de contexte. C’est un diagramme de flux à un niveau très macroscopique, où le système à l’étude est au centre. Comme tous les modèles de spécification, c’est aussi, et surtout, un outil de communication. L’avantage de ce diagramme sur les autres diagrammes utilisés en ingénierie des besoins, c’est qu’il est compréhensible par tous les acteurs. Un médecin, une infirmière, un juriste, peuvent le lire et l’interpréter sans formation préalable, et participer à son élaboration.

Un investissement indispensable … et rentable !

L’investissement en temps et en effort pour la découverte, l’analyse et la formalisation du triangle objectif-périmètre-acteurs est très vite amorti lors de la phase d’expression des besoins proprement dite.

Une première version triangle objectifs-exigences-acteurs peut être réalisée lors d’un atelier de travail avec les utilisateurs, des experts, et d’autres parties prenantes, sur un tableau blanc, ou mieux, une feuille de papier kraft blanc d’un mètre de large, des marqueurs de couleur et des Post-It® de toutes formes, couleurs et tailles. Le concept pourra être affiné par la suite, puis formalisé dans un document spécifique, et enfin intégré aux premiers chapitres du cahier des charges du système à l’étude.

Sur la photo on voit le concept en cours d’élaboration après deux heures d’atelier, représenté sur un kraft de 1m x 3m (photo de l’auteur). Comme je l’ai préconisé dans un de mes précédents articles, l’énoncé de chaque objectif tient sur une fiche au format A5

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