YVES CONSTANTINIDIS CONSULTANT

Mais enfin, qu’est-ce qu’un « business analyst » ? 

Le périmètre précis de l’activité de « business analysis » et du métier de « business analyst », traduits en français par « analys(t)e métier » ou « analys(t)e d’affaires » me semble confus. Je suis allé regarder ce qu’en pensent les différents auteurs et acteurs.

Pour les auteurs du BABOK

La référence mondiale en matière de business analysis est Le BABOK guide, de l’organisation IIBA

BABOK est l’acronyme de Business Analysis Body of Knowledge.

En français le titre a été traduit pour la version française par Le Guide du corpus de connaissance en analyse métier et pour la version québécoise par Guide du corpus de connaissances de l’analyse d’affaires.

Il y a déjà une divergence entre la traduction franco-française et celle de nos cousins outre-atlantique. Je ne connais pas la traduction dans les autres pays/régions/provinces francophones. J’invite mes amis Suisses, Belges, Sénégalais et Béninois à réagir à cet article.

Pour Wikipédia

Rappelons que Wikipédia est par, construction, une sorte de buffet campagnard où chacun de nous peut apporter ses connaissances et en faire profiter aux autres.

Wikipédia (français) ne définit pas la business analysis, mais donne une définition du business analyst directement traduite de l’anglais (américain) :

L’analyste d’affaire est chargé d’évaluer les besoins d’une organisation ou d’une unité d’affaires et de documenter ses processus et systèmes et d’analyser son modèle d’affaires. Il agit généralement comme un agent de liaison entre les différentes parties prenantes de l’organisation.

On remarque ici que l’on parle d’analyste d’affaire et non d’analyste d’affaires.

En français de France, on dit couramment que « les affaires sont les affaires », traduction de l’expression « business is business ». En revanche, pour parler de business unit et de business model on utilise les expressions américaines sans les traduire, et tout le monde se comprend … ou fait semblant de comprendre.

Voyons maintenant ce que disent les différents acteurs sur le marché …

Pour les cabinets de recrutement

Michael Page, cabinet de recrutement, indique dans sa fiche métier

https://www.michaelpage.fr/advice/m%C3%A9tiers/syst%C3%A8mes-dinformation/fiche-m%C3%A9tier-business-analyst

« Comme son nom l’indique, le Business analyst est un analyste. Il doit donc aimer les chiffres et savoir analyser des données et statistiques complexes. Bien que des connaissances techniques approfondies ne soient généralement pas requises, il devra toutefois maitriser les outils de visualisation de données (Tableau, Power BI et Google Data Studio). En outre, les entreprises qui recherchent des profils technico-fonctionnel apprécieront les compétences en programmation Python. »

Je suis rassuré d’apprendre que « le Business analyst est un analyste ». Mais je suis un peu inquiet concernant la suite, parce que je n’aime pas particulièrement « les chiffres », je ne connais rien aux « données statistiques complexes ». De plus, je ne maîtrise pas les outils de visualisation de données et je ne sais pas programmer en Python (ou alors très mal).

Pour Robert Half, https://www.roberthalf.fr/fiche-metier/business-analyst

autre cabinet de recrutement, le business analyst « se charge de mettre en place des outils de collecte de données pour récolter des informations sur les résultats des commerciaux » Comprenne qui voudra.

Pour Jobijoba https://www.jobijoba.com/fr/fiches-metiers/Business+analyst

le business analyst « organise des temps d’échange avec les différents services et postes de l’enteprise afin d’en comprendre les besoins. Ceux-là lui permettent de rédiger des fiches de poste … »

Le business analyst est-il aussi dans les ressources humaines ? Je l’ignorais !

Pour les organismes d’orientation et de formation

Voyons maintenant ce qu’en disent ceux qui nous forment au métier ou qui nous y orientent …

Pour l’ONISEP, organisme d’orientation on ne peut plus sérieux, https://oniseptv.onisep.fr/onv/business-analyst

Le business analyst est « centré sur l’analyse des données (data) ».

Je commence à avoir quelques sérieux doutes sur la non-ambiguïté de l’expression « business analyst ».

En Belgique, le SIEP Service d’information des études et professions https://metiers.siep.be/metier/business-analyst/ nous indique que le Business analyst « peut également participer, en collaboration avec la direction, à l’implantation de nouvelles méthodes de gestion. Il se préoccupe de déceler toute source de perte de temps, d’argent et d’énergie pouvant nuire à l’efficacité de l’organisation et à la rentabilité de l’entreprise. »

Le business analyst est donc aussi un « cost killer » ? ! ? C’est noté !

Pour les écoles, universités et entreprises de formation

Pour Dauphine

Du côté des écoles et universités, https://dauphine.psl.eu/fiche-metier-business-analyst, le business analyst doit « Participer à la politique commerciale de l’entreprise » et « Récolter, comprendre et mettre en perspective les données économiques ».

Étonnante dissonance avec la définition du BABOK et de Wikipédia.

Pour Jedha

entreprise de formation aux métiers du numérique,

https://www.jedha.co/formation-data/metier-business-analyst

« Le Business Analyst sera souvent rattaché à un produit ou à une Business Unit. L’objectif étant de faire croître ce produit par le biais de la Data. »

C’est toujours confus ! D’ailleurs, que signifie « faire croître un produit » ?

Pour EtudesTech …

https://etudestech.com/metier/business-analyst/

« Également appelé analyste d’affaires, consultant fonctionnel ou chargé d’étude en organisation et informatique, le business analyst détient un rôle clé au sein de l’entreprise. ».

Tous ces synonymes n’apportent pas de la clarté. Ils ajoutent à la confusion. Quel rôle-clé d’ailleurs ?

EtudesTech précise plus loin que « Cet expert ne s’occupe pas uniquement des ressources humaines. ». Ce qui présuppose que le business analyst s’occupe habituellement des ressources humaines. Ce qui entretient la confusion. Et l’article continue … « Il doit aussi s’assurer de la rentabilité économique des projets ». Tout ça à la fois ?

Je suis de plus en plus perdu. Qui va me dire ce qu’on attend du business analyst ?

Pour Studi, entreprise de formation …

https://www.studi.com/fr/metier/business-analyst

Le business analyst « est chargé de donner de la valeur aux chiffres ».

Pour moi, qui suis de formation scientifique, les chiffres sont là pour indiquer une valeur, pas pour qu’on leur en donne. Mais là je fais preuve de mauvaise foi.

L’article précise plus loin que « Toutefois ses missions ne sont pas uniquement financières. ». Ce qui présuppose qu’elles le sont en grande partie ! Là, je suis très inquiet, car je n’ai jamais rien compris à la finance !

L’article précise que le business analyst « doit établir des prévisions budgétaires fiables et pertinentes afin d’améliorer les décisions stratégiques de l’entreprise. ».

Là je commence à être perplexe, et j’ai un début d’intuition qui pointe son nez … Ne serait-on pas en train de confondre business analysis et business analytics ?!?

Voyons la suite …

Pour « Je-change-de-métier.com »

https://www.je-change-de-metier.com/fiche-metier-business-analyst

… le business analyst « établit des stratégies commerciales attractives et innovantes pour améliorer les performances de l’entreprise ». On est toujours dans le flou.

De plus « Les Business Analyst sont majoritairement recrutés par des cabinets d’expertise-comptable mais également dans des sociétés de service du numérique. »

Commercial, expertise comptable, ça fait beaucoup, tout ça.

La formation proposée sur le site pour devenir business analyst est une « Formation data analyst ». Ce qui confirme mon intuition qu’il y a confusion entre business analysis et business analytics.

En effet, Data-Bird …

 https://www.data-bird.co/metiers-data/business-analyst nous explique que « Comme tu t’en doutes, ce métier exige certaines compétences techniques en data analyse. »

Après deux pages de banalités sur les compétences requises (dans quel métier n’a-t-on pas besoin de capacités d’analyse, de communication et de négociation ?), le site continue à semer le doute en écrivant que « La différence entre un Business analyst et un Data analyst peut parfois être difficile à percevoir ». Merci, j’avais compris que je n’avais pas compris. Mais QUELLE est cette différence entre business analyst et data analyst ? Data-Bird, qui se permet de tutoyer le lecteur, n’en apporte aucune explication.

Enfin, pour Ad’Missions, entreprise de portage salarial,

https://www.admissions.fr/metiers-portage-salarial/business-analyst/

« le business analyst a pour rôle d’analyser les besoins d’une entreprise, dans le but d’établir un cahier des charges précis. »

Ouf !

Là c’est très clair, en tout cas pour moi. C’est bien mon domaine d’expertise.

Merci Ad’Missions, entreprise de portage salarial !

Je déclare sur l’honneur n’avoir à ce jour aucun lien d’intérêt avec Ad’Missions, entreprise de portage salarial.

Conclusion provisoire

Au final, c’est une société de portage salarial qui donne la définition la plus précise, en tout cas la plus proche de l’idée que je m’en fais. Ce n’est pas étonnant, Ad’Missions étant une société de portage salarial, et les AMOA qui s’affichent « Business Analyst » étant des indépendants.

Personnellement, je déteste être étiqueté « AMOA » ou « assistant à la maîtrise d’ouvrage », c’est un mot fourre-tout, qui ne met en valeur ni ma spécialité, ni mon expertise. Mais au moins, le périmètre qu’englobe ce titre est à peu près clair pour à peu près tout le monde, au moins en France.

Mon avis

Le problème vient de ce que l’on traduit business par affaire ou affaires.

Or, (regardez le site de Linguee), business peut se traduire par : entreprise, affaire, affaires, métier, société, commerce, et plus rarement exploitation. En tant que nom adjectival, il se traduit par commercial ou entrepreneurial. Avec une demi-douzaine de sens différents, on ne fait qu’ajouter du flou au flou.

Mon avis est que traduire business analyst par analyste d’affaires est une très mauvaise idée. Je travaille pour les établissements de santé. Me voyez-vous dire à un directeur d’hôpital que je suis « analyste d’affaires » ?

Si vous tenez à tout prix à me coller une étiquette, appelez-moi « analyste métier ». Je travaille pour les gens du métier, et non (seulement) pour les businessmen.

Post-scriptum qui explique tout

Après avoir écrit mon article, je feuillette un des nombreux livres de ma bibliothèque qui traitent d’ingénierie des besoins : UML for the it business analyst, de Howard Podeswa. Voici ce que l’on peut lire au premier paragraphe du premier chapitre, page 1 :

The IT and Non-IT BA

There are two types of business analysts. Just to clear up any possible confusion:

  • A non-IT business analyst is someone who works within the context of the business. This person is involved in process improvement, cost-cutting, and so on.
  • An information technology business analyst (IT BA) works within the context of IT projects—projects to buy, purchase, or modify some software. This person liaises with business and technical stakeholders and is responsible for gathering the requirements that originate from the business.

Voilà ce qui s’appelle « lever une ambiguité » !

Traduction du texte (par Deepl, qui traduit business analyst par analyste d’affaires, analyste d’entreprise ou entreprise métier, selon son humeur) :

L’analyste d’entreprise informatique et non-informatique

Il existe deux types d’analystes d’affaires. Afin de dissiper toute confusion possible :

  • Un analyste d’entreprise non informatique est une personne qui travaille dans le contexte de l’entreprise. Cette personne est impliquée dans l’amélioration des processus, la réduction des coûts, etc.
  • Un analyste des technologies de l’information (IT BA) travaille dans le cadre de projets informatiques, c’est-à-dire des projets d’achat, de vente ou de modification de logiciels. Cette personne assure la liaison avec les parties prenantes commerciales et techniques et est chargée de recueillir les exigences émanant de l’entreprise.

Et moi qui pensais que la confusion était franco-française ! mais non ! l’ambiguïté est également présente dans le monde anglophone !

Cette confusion relève-t-elle de l’ignorance pure et simple ? Est-elle soigneusement entretenue pour des raisons qui m’échappent ? Ou bien est-ce moi qui n’ai rien compris à la musique ? Je me le demande en lisant cet article de CIO magazine https://www.cio.com/article/276798/project-management-what-do-business-analysts-actually-do-for-software-implementation-projects.html qui donne d’abord la définition de Robert Half (le « non-IT BA » et l’analyse de données) et ensuite celle du BABOK (« IT BA » et l’ingénierie des besoins) sans nous dire qu’il s’agit de deux métiers totalement différents !

Bravo CIO magazine ! Maintenant, la confusion est totale, globale et mondiale !

© Yves Constantinidis Consultant, 2022

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